Le Plan d’Épargne Retraite (PER), introduit par la loi PACTE en 2019, s’impose comme un outil central de préparation de la retraite et de transmission patrimoniale. Son traitement successoral, marqué par une fiscalité différenciée selon l’âge du souscripteur et la nature du contrat, offre des opportunités stratégiques pour les épargnants soucieux d’optimiser la transmission de leur patrimoine.
Fondements juridiques et mécanismes de désignation des bénéficiaires
La clause bénéficiaire : pierre angulaire de la transmission
La clause bénéficiaire constitue l’élément déterminant du traitement successoral du PER assurantiel. Contrairement au PER bancaire, qui relève du régime des successions classiques, le PER assurantiel permet une transmission hors succession grâce à cette disposition contractuelle. L’épargnant dispose d’une liberté quasi absolue pour désigner un ou plusieurs bénéficiaires, qu’il s’agisse de descendants, d’un conjoint, d’un tiers sans lien familial, voire d’une personne morale comme une association. Cette flexibilité s’accompagne néanmoins d’exigences formelles : la désignation doit préciser l’identité complète des bénéficiaires (nom, prénom, date et lieu de naissance) pour éviter tout litige posthume.
Les contrats PER proposent généralement une clause type privilégiant le conjoint survivant, puis les descendants en ligne directe. Cependant, cette configuration par défaut peut être modifiée par avenant, permettant une personnalisation fine des parts attribuées à chaque bénéficiaire. Une innovation notable réside dans la possibilité de créer des bénéficiaires de second rang, garantissant la transmission même en cas de prédécès du bénéficiaire initial.
Conséquences de l’absence de désignation
En l’absence de clause bénéficiaire valide, les capitaux du PER sont réintégrés à l’actif successoral et soumis au barème progressif des droits de succession. Cette situation entraîne une double pénalité fiscale :
- Perte des abattements spécifiques au PER
- Imposition selon la quotité disponible, particulièrement défavorable pour les héritiers collatéraux ou les tiers
Régimes fiscaux différenciés selon l’âge du souscripteur
Décès avant 70 ans : un régime de faveur
Lorsque le décès survient avant 70 ans, le PER assurantiel bénéficie d’un traitement fiscal exceptionnel :
- Chaque bénéficiaire dispose d’un abattement personnel de 152 500 € sur les sommes transmises.
- Au-delà de ce seuil, la taxation s’applique ainsi :
- 20 % pour la fraction comprise entre 152 500 € et 700 000 €
- 31,25 % au-delà de 700 000 €
Avantages majeurs :
✅ Exonération des prélèvements sociaux de 17,2 % sur les plus-values, contrairement à l’assurance-vie.
✅ Transmission hors succession, évitant la réduction de la quotité disponible successorale.
Décès après 70 ans : un durcissement fiscal
Après 70 ans, le PER perd son avantage fiscal principal :
- Abattement réduit à 30 500 €, partagé entre tous les bénéficiaires
- Les sommes excédentaires sont soumises au barème progressif des droits de succession
- Taxation pouvant atteindre 60 % pour les non-parents
Toutefois, le PER conserve un atout : l’absence de taxation au titre de l’impôt sur le revenu lors de la transmission, contrairement aux produits de capitalisation classiques.
PER assurantiel vs PER bancaire : différences successorales
PER assurantiel : transmission hors succession
Le PER assurantiel, souscrit auprès d’un assureur, bénéficie du régime dérogatoire de l’assurance-vie :
- Échappe à la réserve héréditaire
- Non inclus dans l’actif successoral (sauf absence de clause bénéficiaire)
- Permet une transmission discrète et efficace
PER bancaire : intégration à l’actif successoral
Le PER bancaire, souscrit auprès d’une banque, suit le régime du compte-titres :
- Réintégré à la succession
- Soumis aux droits de succession classiques
- Pas d’abattement spécifique
Cette différence explique la préférence des conseillers en gestion de patrimoine pour le PER assurantiel dans les stratégies de transmission.
Stratégies d’optimisation successorale
Démembrement de la clause bénéficiaire
Une technique avancée consiste à démembrer la clause bénéficiaire :
- Usufruit attribué au conjoint survivant
- Nue-propriété aux descendants
✅ Avantages :
✔ Garantit un revenu au conjoint sans grever la transmission aux héritiers
✔ Réduit l’assiette taxable grâce à la valorisation anticipée de la nue-propriété
Coordination avec l’assurance-vie
L’association PER/assurance-vie permet une optimisation fiscale intelligente :
- Utiliser le PER pour les versements post-70 ans (abattement spécifique de 30 500 €)
- Favoriser l’assurance-vie pour les versements avant 70 ans (abattement de 152 500 €)
Gestion dynamique des bénéficiaires
✅ Révision périodique de la clause bénéficiaire pour :
✔ Anticiper les changements familiaux (naissances, décès, divorces)
✔ Optimiser la transmission selon les besoins patrimoniaux
✔ Éviter la substitution légale des bénéficiaires en cas de prédécès
Cas pratiques et évolutions récentes
Transmission transgénérationnelle
Un arrêt de la Cour de cassation du 12 janvier 2024 a validé la désignation d’un petit-enfant comme bénéficiaire unique, contournant ainsi la réserve héréditaire des enfants. Cette décision confirme la primauté de la clause bénéficiaire sur le droit successoral commun.
Protection du conjoint survivant
La rente viagère réversible, option disponible dans certains PER, permet désormais au conjoint survivant de cumuler rente PER et pension de réversion sans plafond de ressources.
Limites et risques juridiques
Contrôle fiscal renforcé
L’administration fiscale surveille de près :
- Les donations déguisées via des bénéficiaires lointains
- La cohérence entre les versements PER et la capacité contributive du souscripteur
- Les transferts internationaux de PER, soumis depuis 2023 à déclaration automatique
Risques de contentieux familial
✅ Désignation de bénéficiaires extra-familiaux = possibles actions en réduction
✅ La jurisprudence actuelle reste cependant favorable à la liberté contractuelle
Perspectives d’évolution législative
La réforme des retraites 2026 prévoit :
- 🔹 Relèvement de l’abattement post-70 ans à 50 000 €
- 🔹 Extension du PER aux donations inter vivos sous conditions
- 🔹 Encadrement des clauses bénéficiaires internationales
Le traitement successoral du PER est un outil puissant d’optimisation patrimoniale. L’enjeu pour les épargnants est de choisir judicieusement entre PER assurantiel et bancaire, de gérer dynamiquement la clause bénéficiaire, et d’anticiper les évolutions législatives.
Le PER offre ainsi une souplesse unique pour organiser la transmission du patrimoine, à condition d’être bien structuré avec l’accompagnement d’un conseiller spécialisé.